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  FAMILLE AFRICAINE

La Philosophie au Burundi

16 Novembre 2006, 23:12pm

Publié par Pierre THEON

La Philosophie au Burundi

Nos masses, quand ils entendent le mot « philosophie » se tournent immédiatement vers la Grèce, à défaut la France, l’Allemagne pour ne pas dire l’Europe et quelques fois le monde arabe. Ceci est pour dire que seul les Socrate, Platon, Descartes, Jean-Paul Sartre, Kant, Kierkegaard, Avicenne et consort sont les seules philosophes.

Le débat commence d’ailleurs avec nos jeunes étudiants en Philosophie qui n’arrivent pas à s’assumer philosophe parce qu’ils n’ont peut-être pas de Doctorat en Philosophie ou s’ils en ont, n’arrivent pas à publier pour se faire entendre et ainsi s’imposer sur l’échiquier international.

Dans cet article, je rends hommage au professeur Polin HOUNTONDJI, un de mes enseignants à l’Université d’Abomey Calavi que je regardais, à chaque fois qu’il nous donnait des leçons, comme un mythe vivant.

Il n’avait pas besoin de m’enseigner la philosophie africaine pour que je me rende compte que la raison n’est nullement l’affaire de l’occident. Avec lui, j’ai compris que la rationalité qui a séduit nos cerveaux n’a en fait pas le droit de s’imposer en dictateur.

Au lieu de s’engouffrer dans le dualisme rationalité-irrationalité, il a préféré parler comme ses pères, des rationalités.

J’ai en effet accueilli ce pluriel comme une libération voire même une justice rendu. Si nos anciens pouvaient voyager dans les airs sans avion, se transformer en hibou sans l’aide de la tête du blanc…en quoi cela est irrationnel ?

A travers les rationalités, je me permet alors de justifier la sagesse africaine et par conséquent burundaise comme étant digne de foi. Elle a une valeur convoitée jusqu’aujourd’hui et le politique cherche à la valoriser en restituant l’institution d’ubushingantahe que le colonisateur avait voulu détruire sans succès.

L’umushingantahe, à juste titre, se traduit pas le sage au Burundi. Celui-ci joue exactement le même rôle que le philosophe grec de l’antiquité : Eclairer les masses.

Ceux qui veulent réduire la fonction d’ubushingantahe au simple aspect juridique sont grandement dans l’erreur. Par ailleurs, les juristes n’abandonnerons jamais leur job à ses illettrés pour la plupart qui, il faut quand même l’avouer, arrivent à décanter des situations compliquées. Les Rwandais qui ont été sauvés par le système gacaca en savent quelque chose.

La similitude entre le sage burundais (umushingantahe) et le philosophe grec de l’antiquité se laisse voir sans ambiguïté. Actuellement que le politique s’atèle à la reconstruction nationale, certains diplômés veulent profiter de leur niveau d’étude pour disqualifier d’autres comme si pour être sage, il faut étudier beaucoup.

J’ignore le diplôme de Socrate, de Platon ou de Descartes mais, ils étaient des sages, des philosophes. Savoir lire et écrire n’est nullement la clé de la sagesse. C’est ce combat entre Socrate et les Sophistes qui a d’ailleurs coûté sa tête qui illustre bien ce que Rabelais appellera plus tard la science sans conscience.

Autre chose est d’étudier, autre chose est d’être vertueux. Si les Burundais luttent pour la valorisation de l’institution d’ubushingantahe, ce n’est pas à cause du salaire qu’auront ces derniers, ni des honneurs qu’ils bénéficient dans la société. C’est surtout parce qu’ils étaient, en plus d’être modèle et repère pour la société, des hommes intègres capable d’éviter le pire pour la nation.

Le philosophe burundais, s’il veut se faire connaître au niveau international, il ne se réclamera d’aucune institution. Être umushingantahe est une valeur vers laquelle tout homme doit tendre. C’est de la même manière que la philosophie a dépassé les limites de la Grèce pour envahir l’Europe et le monde entier. Le philosophe cherche la vérité et rien ne l’arrête.

Vouloir établir l’ubushingantahe comme une institution apparaît donc comme une réduction de celle-ci car il risque d’y avoir une classe des bashingantahe, parallèlement à celle des députés, des sénateurs etc.

Mais, ne rien faire pour l’émergence des bashingantahe en nombre dans la société burundaise est un crime qui hypothèque l’avenir du Burundi. Pour que l’ubushingantahe se vive comme la valeur de la sagesse, il faut éduquer les Burundais à la sagesse. Et, la philosophie qui se réclame être une école de la sagesse mérite donc d’être enseignée dans toutes les écoles à partir du cycle supérieur jusqu’à l’université.

Le peu de notions que les jeunes acquièrent dans le cours de civisme ou de religion ne suffit en effet pas pour avoir des sages capables de transcender leurs considérations politiques et religieuses.

En somme, on ne naît pas sage, on le devient. Et, pour devenir sage, il faut chercher à l’être.

Théon TUYISABE

Philosophe et spécialiste

du mariage et de la famille

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