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  FAMILLE AFRICAINE

Les freins au développement durable dans les familles burundaises post coloniales : Quelle leçon faut-il tirer de l'Allemagne?

7 Janvier 2023, 19:36pm

Publié par Theon Tuyisabe

Le classement annuel de la FMI et la Banque Mondiale pour l’année 2022 place le Burundi à la tête des pays les plus pauvres. Depuis l’indépendance, son économie peine à prendre les rails et finalement, le Burundi est devenu une référence des freins au développement durable, si l’on s’en tient du moins aux indicateurs considérées par ces institutions de Bretton Woods. Les individus, les familles et toute la communauté sont naturellement affectés par cette pauvreté.

 

Selon les estimations de la banque mondiale, 75 % de la population burundaise vivait sous le seuil de pauvreté en 2020. L’ISTEEBU, actuel Institut National des Statistiques du Burundi (INSB) affirme, d’après ses études que 40 % de la population burundaise mangent à peine un repas par jour. En 2022, le Burundi est classé en 130e position pour l'indice mondial de l'innovation.


Pourtant, au niveau de la croissance démographique, le Burundi impressionne avec une courbe ascendante qui promet le doublement de sa population en 2050.

Paradoxalement, la croissance économique peine à suivre le rythme de la démographie. Elle était de 2,1% en 2022, et c’est un taux qui est loin de satisfaire les objectifs pour le développement durable de 2030.

 

Schématiquement, le Burundi fait un pas en avant et deux pas en arrière en matière de développement économique. Le narratif du politique quant à lui a toujours été et ce, depuis l’indépendance celui d’une satisfaction sans mesure des projets réalisés. C'est le discours constant des chefs d’État à chaque fin d’année.

 

La courbe ci-dessous sur la croissance de la population se passe de tout commentaire.

 

Les chutes spectaculaires qui sautent aux yeux sur cette courbe correspondent aux périodes des crises et d'insécurité majeurs comme celles de 1972-1973 et 1993 et après. Pendant ces périodes le Burundi a perdu une tranche importante de sa population jeune et productive. Selon les estimations des uns et des autres, on parle de centaines de milliers voir plus d'un million de citoyens, arrachés au travail et sur le champ des travaux de développement dans tous les domaines et ce, dans un laps de temps.

 

Ces événements ne se sont pas produits au compte-goutte, non, ils se sont produits d'un trait stoppant net les efforts de développement par endroits ou les handicapant sensiblement. A chaque fois, le pays a eu du mal à se relever pour des raisons compréhensibles : D'un coup le pays s'est à chaque fois retrouvé avec des vieux et des enfants incapables de se prendre en charge eux-mêmes et pas du tout à même d'embrayer efficacement sur les efforts de développement.

 

La courbe démographique dans les pays développés comme l'Allemagne n'est pas comparable à celle du Burundi, non pas seulement parce que la moyenne d'enfants par couple est de 1,5 en Allemagne contre plus de 6 au Burundi mais aussi parce que les deux pays diffèrent sur beaucoup des points de vue.

 

 

La courbe en vert montre les naissances et l’autre en bleu les décès. La période de 1968 à 1975 témoigne de l’effondrement de la fécondité. Après 1997, c’est le tarissement du nombre de femmes en âge d’avoir des enfants, avec maintien d’une faible fécondité. Entre les deux, une baisse assez importante se produit de 1990 à 1995, liée à l’absorption de l’ancien Allemagne de l’Est qui s’aligne rapidement sur la très basse fécondité ouest-allemande.

 

Les deux pays (Burundi-Allemagne) ont visiblement de nombreuses bouches à nourrir, qui ne travaillent pas. Pour l’Allemagne, c’est plutôt les personnes âgées qui bénéficient des rentes de survie et leurs contributions aux frais de la retraite, tandis qu’au Burundi la très grande majorité de bouches à nourrir est constitué de jeunes.

 

En Allemagne où une personne sur quatre (¼) est à la retraite, on peut dire aisément que quelque part les jeunes entretiennent les vieux, en partie par leurs impôts. Le nombre de jeunes productifs n'augmentant pas vite en raison d'un taux de natalité très faible, les allemands sont obligés de travailler jusqu'à l'âge de la retraite qui est fixé à 67 ans. Ils ont besoin de jeunes gens pour travailler d'où la politique favorable à la migration.

 

Le Burundi, lui a énormément de bouches à nourrir au point que la force productive n'est pas à même d'y parvenir. Le marché du travail, très étroit et peu diversifié, n'arrive pas à embaucher ceux qui sont en âge de travailler. 45,52% de la population burundaise ne dépasse guère l’âge de 14 ans. Parmi les bouches à nourrir, il y a les mineurs, les vieux et les chômeurs qui sont tous dépendants de ceux qui gagnent quelque chose, un parent ou une parenté lointaine!

 

Sans devoir dévaler les montagnes pour aller voir les familles de la campagne qui n'arrivent pas à joindre les bouts du mois et encore moins envoyer leurs enfants à l'école, il suffit de visiter les foyers de la capitale et compter le nombre de bouches à nourrir dans chacun d'entre eux. Ici encore une fois les parents ne bénéficient d'aucun appui financier pour élever leurs enfants. Les vieilles personnes mêmes celles qui ont exercé de hautes fonctions lorsqu'elles rentrent à la retraite deviennent aussi impuissantes comme leurs congénères qui n'ont jamais exercé une fonction rémunératrice. Elles sont également dépendantes de leurs enfants, pour ceux qui en ont ou vivent misérablement.

 

Ah ! Oui le marché du travail étant exigu, plus le manque de capitaux qui pourraient permettre de créer de nouveaux marchés, la recherche du travail a poussé les politiques à fixer l'âge de la retraite à 60 ans ! A cet âge, beaucoup n'ont pas d'enfants en âge majeur capables de se tenir en charge. On constate de plus en plus que l'âge de marier des jeunes hommes (surtout ceux qui ont fréquenté l'école) oscille autour de 35-37 ans.

 

Le chômage s'accompagne de tout un lot de malheurs qui constituent un frein important au développement comme la consommation des drogues et stupéfiants divers, les mauvaises mœurs, l'arnaque, l'oisiveté devant la Télé, smartphones, etc...

 

Au début des années 1930, le pouvoir allemand a émis la volonté de permettre à chaque couple d'être à même de se doter d'une voiture. Le sens même de VW est la voiture du peuple. En plus, chaque couple devait avoir un logement. Ceci fait qu'aujourd'hui une personne sur deux possède une voiture en Allemagne, soit 46 millions de véhicules en circulation sur une population de 83 millions.

 

En se fixant cet objectif, le gouvernement a abattu un travail immense en mobilisant les banques, les industriels et tous les partenaires au développement afin de rendre les moyens accessibles. Aujourd'hui, un salarié qui souhaite avoir une nouvelle voiture s'adresse au concessionnaire. Celui-ci entre directement en contact avec la banque et le salarié obtient sa voiture qu'il paye en tranches.

 

Mais, avant de fixer ces objectifs en faveur du bien-être du citoyen, le gouvernement allemand s'est d'abord assuré que chaque bouche a assez pour manger, s'habiller et se loger, trois besoins primaires qu’on ne peut pas se passer. Il a rendu disponible les moyens techniques d'obtenir de l'énergie nécessaire pour le chauffage, sans oublier un système adéquat d’approvisionnement en eau potable et autres éléments de base.

 

Depuis cette époque, le gouvernant allemand a travaillé à convaincre les investisseurs sur la mise en place des infrastructures routières et ferroviaires pour l'épauler. Il a ainsi rendu le transport en commun ou privé possible et abordable partout.

 

 

Dans les pays comme le Burundi, il manque cette mobilisation qui nécessite des fonds considérables et du savoir-faire. Si les politiques n'arrivent pas à mobiliser les fonds et les moyens nécessaires aussi bien étatiques que privés, le citoyen souffrira du manque de ce tremplin au développement économique et donc aura du mal à pouvoir se lancer. C'est l'occasion de le dire, une planification bien élaborée doit être pensée, équipée et outillée. L'État tout comme le secteur privé doit se doter du savoir-faire aux mains des nationaux principalement.

 

Pour ce qui est de la guerre, disons qu’en temps de guerre, les réflexes ne sont plus de produire, mais plutôt de fuir. Sans espoir du lendemain, les forces productrices se mettent à l’abri, en jachère mais l’estomac, lui, augmente ses activités, dirait-on. Plus on ne travaille pas, plus on a faim.

 

Avant la guerre c’est la panique, pendant la guerre c’est le sauve qui peut et après la guerre, le spectre de la guerre se poursuit. Sans guérison des mémoires blessées, les cauchemars, les scénarii liés aux troubles post traumatiques et la peur du retour de la guerre constituent un véritable frein à toute activité économique. Le Burundi en souffre toujours.

 

La guerre entraîne destruction, réduction et anéantissements des forces, destruction du patrimoine et des biens générateurs des revenus, flux des réfugiés, gèle d'initiatives par peur. Donc, parmi les freins au développement durable, il faudrait bien nommer les guerres, les tensions et les crises aussi bien dans la région ou lointaines.

 

De plus en plus, nous assistons à un phénomène nouveau, l’arrivé de la technologie numérique et ses impacts sur nos vies. Le monde des jeunes contemple ces objets avec envie d’y cueillir des Dollars, tel des fruits murs. En longueur de journée, certains Burundais et Burundaises reste dans le lit, branché sur leur smartphones soit pour escroquer via les réseaux sociaux, soit courir derrière les insolites. Oui, les informations les atteignent vite mais qu’est-ce qu’ils en récoltent financièrement ?

 

Comme pour dire « Ntamwuga udakiza », tous les métiers sont nobles. Il y en a qui s’en sortent avec Tik Tok, You Tube, Face Book, par coup magique d’histoire amusante et parviennent à décrocher une certaine somme en devise. Vraiment les gestionnaires des réseaux sociaux sont généreux quand ils rémunèrent une personne qui a agi à leur insu, sans contrat avec eux. Juste le « subscribe » suffit pour entrer dans « la case l’Ali Baba »

 

Ceci étant la réalité dans les villes et centre urbains, l’énergie devient incontournable pour la charge des batteries qui entretiennent les téléphones et les ordinateur. Elle lutte contre le sous-développement. Ici et là, le courant électrique permet aux soudeurs, aux coiffeurs, aux réparateurs de matériels électroniques (téléphone, radio, montre, instruments de musiques…), aux menuisiers et autres agents de petits métiers de nourrir leurs familles.

 

En milieu rural, le développement se pense toujours en termes d’agriculture et élevage. C’est à partir de ce postulat qu’à l’occasion de la célébration de la Journée des Travailleurs le 2 mai 2022, le chef de l’État Burundais a appelé à un dialogue avec les propriétaires de terres non exploitées en vue de mettre celles-ci à la disposition de gens prêts à les exploiter. Et cela dans le but d’augmenter la production.

 

A vrai dire, avec la surpopulation notamment dans le milieu rural, les terres cultivables au Burundi sont saturées et les lopins de terres inexploitées sont très peu nombreux. Mais il faut maximiser car, en effet, les 79,2% de terre cultivables au Burundi ne le sont pas. Le Plan National de Développement PND 2018-2027 révèle que l’agriculture contribue à hauteur de 39,6 % au Produit Intérieur Brut (PIB) et offre 84% d’emplois. Elle fournit 95% de l’offre alimentaire et est le principal pourvoyeur de matières premières à l’agro-industrie.

 

La narration habituelle, véhiculée à travers les données de l’Etat Civil, dit que tout burundais qui n’a pas de diplômé est agriculteur « umurimyi ». Il en résulte que la majorité de la population burundaise présente des Cartes Nationales d’ Identité qui ne reflètent pas la réalité sur terrain. Le mot profession a eu une exploitation abusive qui fausse toutes les statistiques au point de voir certains ayant la profession d’agriculteur alors qu’ils n’ont aucun champ. De même, un enseignant peut avoir la profession de psychologue, mathématicien ou économiste ; mais la profession d’enseignant ne signifie rien, encore moins celle de fonctionnaire.

 

Les raisons de l’inexploitation des terres peuvent être dues aux conflits fonciers qui émanent de ce flou entretenu au sommet. De plus, des frères et sœurs qui ne sont pas encore prêts à se partager le lopin de terre, une volonté de mise en jachère, la tendance à clôturer des propriétés pour créer des zones de pâturage sont autant de motif au sous-développement.

 

L'agriculture tout comme l’élevage n’a pas entamé la pente de la mécanisation alors que la tendance à l'urbanisation est un fait réel. Par conséquent, il faut réhabiliter l’outil de production et redynamiser l’activité agricole sur base d’une technologie appropriée, notamment en procédant à la numérisation des espaces domaniales et des Cartes Nationales d’Identité. Il faut relancer la production et atteindre, voire surpasser les meilleurs niveaux et surtout chercher à sortir de l’agriculture de subsistance pour aller vers une agriculture de marché, mécanisées et rationnelle.

 

Théon TUYISABE

Enseignant-Chercheur

Université des Grands Lacs (UGL en sigle).

 

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