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  FAMILLE AFRICAINE

Quelques techniques anthropologiques de soins dans les familles traditionnelles burundaises

25 Juillet 2022, 18:20pm

Publié par Theon Tuyisabe

Quand on parle d’une anthropologie de la santé, on ne se détache pas de la médecine traditionnelle qui se rapporte aux pratiques, méthodes, savoirs et croyances en matière de santé et impliquent l’usage à des fins médicales des plantes, des parties d’animaux et des minéraux, de thérapies spirituelles, de techniques et d’exercices manuels (séparément ou en association) pour soigner, diagnostiquer et prévenir les maladies ou préserver la santé.

 

Dans le présent article, nous fixons notre attention sur les techniques usuelles dans le Burundi ancien, techniques qui frôlent le ridicule tout en gardant leur hauteur dans les techniques thérapeutiques burundaises. Il s’agit ici d’un recueil auprès des étudiants de l’Université des Grands Lacs, campus Bururi, de la faculté des sciences de la santé, option soins infirmiers, promotion 2021-2022.

 

Une vingtaine de maladies réelles bénéficient d’une technique thérapeutique appropriée, certes bizarres pour le moins que l’on puisse dire, mais, il s’agit quand même d’une certaine sagesse qui se filtre en défiant le monde rationnel des occidentaux.

1° Au Burundi, comme partout ailleurs dans le monde, Il arrive qu’une personne, surtout les enfants aient des inflammations entre les joues et la gorge. La maladie se nomme « amasambabwika » les oreillons. C’est une inflammation qui n’est peut-être pas une maladie, mais il a tout de même besoin d’une prise en charge.

 

L’astuce des Barundi pour se défaire de ce mal était d’embaumer la partie souffrante de cendre et aller se fixer à la croisée des chemins ; si par hasard un passant osait se moquer de toi, la maladie devraient te quitter pour le prendre.

L’autre astuce pour la même maladie était de prendre les pilons et se mettre sous le lit. Il fallait chanter une chanson de circonstance en frappant le pilon par terre, la maladie devrait partir instantanément.

 

2° Les boutons « intongangira » ou encore « isununu ». Ici, il s’agit des boutons qui surviennent sur le corps, surtout les jambes, sans raison valable et ils ne font pas souffrir celui qui en porte mais plutôt indisposent, faussent l’esthétique et inquiète pour le long terme.

La technique utilisée pour se débarrasser de ces boutons était de regarder le ciel la nuit et compter les étoiles de un à cinq. Il fallait terminer par la formule «  gatanu gatandukana n’isununu » c’est-à-dire « cinq qui se sépare des boutons ». Ils ressemblent 

Ou encore pour le traitement des mêmes boutons, la cousine devrait balayer la partie ayant les boutons. Après le geste, le malade devrait partir sans dire au revoir et sans se retourner. Quant au balaie, il devrait être jeté au travers l’enclos. Personne ne devrait le récupérer sous peine d’en attraper elle aussi.

 

3° Les démangeaisons « ikinyanya » fourmillements. Pour se débarrasser des démangeaisons, votre compagnon devrait se gratter dans la plante des pieds. Ou encore, un jeune garçon encore vierge devrait se gratter au pli de la jambe « mu ntege »poplitée et l’affaire était réglée.

 

4° Écoulement nasal, quand le sang coule des narines s'appelle épistaxis. L’astuce des barundi était de lever la tête et mettre le bras opposé à la narine à problème en haut.

 

5°Évanouissement pour cause du lieu d’emplacement, généralement une termitière « ubukangwe » poliomyélite. C’est probablement l’hypertension artérielle. Les burundais attribuaient sa responsabilité à un serpent, python mystérieux « impinira ». Parfois, c’est le corps qui perdait la forme « guhurigwa » éruptions cutanées sous forme d'urticaires.

 

Pour conjurer ce sort, il fallait frapper par terre un bâtonnet à plusieurs reprises. Ceci pouvait aussi arriver pour les animaux, notamment le bétail.

6° Quand l’ongle fonce dans la viande de l’orteil ou du doigt « ingombe »panaris. Il fallait tout simplement mettre la partie malade à l’entrée de la toilette en comptant de un à six pour terminer par la formule « gatandatu gatandukana n’ingombe » c’est-à-dire six qui se sépare de cette maladie.

 

7° L’impuissance ou la frigidité. La croyance burundaise attribuait l’origine de cette maladie à la négligence qui faisait que par mégarde, le nombril du bébé aurait touché son sexe lorsqu’il se détachait. Afin de conjurer le sort, pour le cas du garçon, il fallait que son sexe touche le sexe de sa mère et inversement pour la fille.

 

8° Pour avoir de beaux dents, les mauvais dents usées des enfants qui se détachaient généralement à l’âgé de 7-8ans devraient être jetées selon le rituel où il fallait le faire passer entre les jambes, en réclamant à l’oiseau, la colombe, de pouvoir octroyer à la prochaine de beaux dents.

 

9° Les angines « ibigoga » se soignaient en essayant de manger le ciel, et ceci pendant la nuit. Il fallait mâcher dans le vide en comptant de un à six pour terminer par la formule « gatandatu gatandukana n’ibigoga ». Dans certaines régions on utilise le mot « ibimiromiro » à la place de « ibigoga ». Après cette fameuse formule, il fallait vite aller dormir sans se retourner par derrière.

20° Pour le problème de vision, les burundais croyait que le fait de voir le roi soignait les yeux. La même croyance a continué même avec l’avènement de la République. Donc, il suffit de voir le Président pour ne pas avoir des problèmes avec les yeux au Burundi.

 

21° Un bouton qui éclate à l’entrée de l’œil « agahenera » orgelet. Pour le burundais, la personne qui se moque que tu as ce bouton à l’œil devait en avoir automatiquement. Il suffisait simplement de lui dire : « twara agahenera kawe » c’est-à-dire « prend ton bouton » et ce dernier devait se déplacer de vous vers lui.

 

22° Problème de respiration « isevu » le hoquet. Il fallait compter jusqu’à cinq et terminer par la formule « gatanu gatandukana n’isevu ». Une autre astuce utilisée ici été de monter une histoire fausse qui fait peur à la personne qui a ce problème de respiration. Si par hasard il accepte le montage, il devait automatiquement guérir.

 

23° Quand les battements du cœur s’observe sans arrêt dans la tête de l’enfant « igihorohori » fontanelle de devant ou postérieure, il fallait y poser le squelette d’un caméléon cinq fois en comptant de un à cinq pour terminer par la formule « gatanu gatandukana n’igihorohori ».

 

Tout ce rituel appliqué dans les techniques thérapeutiques burundaises révèle l’identité d’un peuple, le savoir-faire d’un peuple et surtout sa façon de s’organiser pour survivre.

 

Un peuple sans histoire est un peuple sans culture, donc sans âme. La technologie révèle la valeur d’un peuple ; la grandeur d’un peuple ; la fierté d’un peuple. Puisse le Burundais se retrouver, s’intégrer dans ce monde et répondre convenablement aux défis de la maladie, de la pauvreté, de la famine et toute autre menace contre la vie de ses enfants.

 

Par Théon TUYISABE

 

 

 

 

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