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  FAMILLE AFRICAINE

Guérison des mémoires dans le processus du développement humain intégral au Burundi

11 Juin 2022, 22:24pm

Publié par Theon Tuyisabe

Résumé

L’article porte sur la place de la guérison des mémoires dans le processus du développement humain intégral au Burundi. Il décrit les différentes crises socio-politiques sanglantes que le Burundi a connues depuis son indépendance et montre les conséquences qu’elles ont laissées en termes de blessures des mémoires en les associant à un frein pour le développement humain intégral. L’auteur tente de proposer comment soigner ces blessures.

 

Introduction

 

 Parmi les crimes que l’humanité a jusqu’ici enregistrés, les crimes de guerre, les crimes de viol, les crimes contre l’humanité, les crimes de génocides et autres situations liées au déni de la personne humaine constituent une honte qui a toujours indigné toute âme dotée de bon sens. Il faudrait dire que la négation de l’homme s’observe partout dans le monde et tout au long de l’histoire de l’humanité avec une ampleur différente selon les lieux et les périodes.

 

Ce qui s’est passé il y a un siècle, avec les deux guerres mondiales concernent surtout l’Europe, l’Asie, les USA. L’Afrique en général, et le Burundi en particulier, constituent aussi un terrain où s’observe cette négation de l’homme qui laisse apparaître « une culture de la mort » (Jean Paul II, Evangelium vitae, 1995, p.72). Au départ, le Burundi connaissait des heurts avec les envahisseurs, les colons, mais plus tard, le caractère de conflits sanglant entre citoyens sur base de l’élément ethnique a pris racine (Kirura, Colette Samoya. Crises politiques et «conflits ethniques» au Burundi 2014. Consultable sur le site: https://books.google.bi).

 

Comme le dit Grimaldi, « si je ne suis pas ce que je parais, c’est tout simplement que je ne m’y reconnais pas » (Grimaldi, N., Traité des solitudes, 2003, p.43). Le rapport des consultations nationales sur la mise en place des mécanismes de justice de transition au Burundi ouvre son introduction par ces propos : « L’histoire du Burundi est marquée, depuis son indépendance, le 1er juillet 1962, par une série de violences cycliques et de massacres qui ont causé de nombreuses pertes en vies humaines et d’importants dégâts matériels » (Rapport consultable sur https://www.ohchr.org/Documents/Countries/BI/RapportConsultationsBurundi.pdf ).

 

Il ajoute : « Ces violations ont également contraint des centaines de milliers de personnes à se déplacer à l’intérieur et à l’extérieur du pays. Le propre de ces crimes est qu’ils sont restés impunis dans leur ensemble, engendrant ainsi frustration et humiliations pour les victimes ».

Concrètement, après l’indépendance du Burundi, l’espoir d’un développement suscité par la prise en main du destin du pays par les fils et les filles de la nation n’a pas duré si longtemps. Jusqu’aujourd’hui, le Burundi peine à décoller sa machine économique. Il est classé pays le plus pauvre du monde en octobre 2021 par le FMI avec 267 Dollars de PIB par habitant (https://www.journaldunet.com/patrimoine/finances-personnelles/1208753-pays-pauvres-classement-2021/consulté le 12/03/2022).

 

Des blessures dues aux violences pèsent sur la conscience des burundais et Lemarchand les illustre comme frein au développement en évoquant par exemple un génocide de 1972 jeté dans les silences de l’histoire (Lemarchand, R., Le génocide de 1972 au Burundi. Les silences de l’Histoire, pp.551-p.567).

 

A ce lourd fardeau qui pèse sur le fort intérieur des burundais, le présent article propose un travail de guérison des mémoires pour un développement humain intégral. Dans le premier point, il met sur table l’état des lieux des blessures psychologiques au Burundi. Il fait d’abord un bref rappel sur les crises socio-politiques vécues au Burundi, ensuite montre les effets des crises sociopolitiques sur le vécu psychosocial des citoyens et enfin cherche à prouver que la mémoire des burundais est une mémoire blessée.

 

Au point deux consacré aux blessures psychologiques comme frein au développement humain intégral, l’article révèle en premier lieu les piliers de la paix et du développement pour signaler en deuxième lieu que c’est la paix qui constitue la base de tout développement humain intégral. Le point se termine en troisième lieu sur l’appel à la guérison de la mémoire collective comme condition à l’envol vers le développement.

 

En dernier lieu, l’article évoque au point trois l’apport de la vérité dans le processus de réconciliation au Burundi. Ici, il y a une sorte de plaidoyer, primo pour une promotion de la vie dans la loi burundaise, secundo pour une justice au service de la vie et tertio enfin pour une justice qui réconcilie.

 

En ce qui concerne n’approche méthodologique, ce papier exploite un fond documentaire aussi important que diversifié (textes de lois, archives d’histoire, publications scientifiques, rapports d’autorités publiques…). L’observation directe et l’enquête sous forme d’entretiens ont également été au cœur de l’approche méthodologique.

 

  1. Etat des lieux des blessures psychologiques au Burundi

L’adage rundi dit : « ahari abantu hama uruntu runtu » qui se traduirait par : « là où il y a plus d’un (homme), les crises ne peuvent pas manquer ». Des crises sociopolitiques ont toujours été une réalité en Afrique des Grands Lacs et spécialement au Burundi avec une intensité variable selon les époques.

 

Les paragraphes qui suivent reviennent sur quelques événements historiques, surtout les crises qui ont produit des malaises au Burundi, entraînant des violences meurtrières et des guerres. Ces derniers ont eu leurs effets sur la vie des individus, des familles et des communautés. Les raisons de ces guerres sont toujours multiples; mais elles ont pour dénominateur commun le fait de fouler au pied la dignité de la personne humaine et le non-respect de sa vie.

 

Sans nul doute, le vécu psychosocial des citoyens a été marqué par tout ce désastre qui a forgé une sorte de psychose caractérisée par la peur du passé, la reviviscence des crises vécues et le traumatisme qui affecte les mémoires communautaires. Cette mémoire blessée des burundais a forgé en elle un désir de justice fondé sur une vérité. Il s’agit d’une vérité qui réconcilie à travers concession et abstraction, avec capacité de réclamer justice dans le but d’atteindre tout au moins un statut quo qui arrange tout le monde.

 

    1. Bref rappel sur les crises socio-politiques vécues au Burundi

L’histoire des crises socio-politiques au Burundi date de très longtemps. Charles Baranyanka évoque par exemple un conflit entre Nsoro et Jabwe connu dans la grande partie du Burundi-Sud, monarques de la dynastie de Ntwero, antérieur à Ntare Rushatsi Cambarantamba considéré comme le père fondateur du royaume du Burundi (Baranyanka, C., Le Burundi face à la croix et à la Bannière. 2015, pp.15-17).

 

L’origine du Royaume du Burundi est selon cette légende, finalement fondée sur une histoire conflictuelle qui va culminer sur des mythes, fixant les critères d’accession au trône comme « naître avec la semence » [kuvukana imbuto], et les conditions de quitter le trône en mettant fin à sa vie « se donner de l’Hydromel» [kwiha ubuki].

 

heures de gloire du Burundi se cherchent donc dans le système monarchique burundais qui a commencé la course aux enfers avec l’invasion de l’esclavagiste Ibn Kalfan dit Rumariza vers 1868 et des colons Allemands du commandant Hermann von Wissmann entre 1896 et 1898. Ntare Rugamba et Mwezi Gisabo ont tout fait pour défendre ce royaume, mais faut-il le reconnaitre, ce dernier a fini par abdiquer avec la signature du traité humiliant, le traité de Kiganda qui donna le coup d’envoi aux premières atrocités jusqu’ici connues au Burundi. Le lourd tribut de payer plus de 400 vaches et la disposition du territoire burundais aux mains des allemands ouvrira les burundais à des scènes les plus humiliantes : la chicotte, le razzia, les crimes etc. (Gahama,J., Le Burundi sous administration belge : le période du mandat 1919-1939, 2001, P.20. https://books.google.bi)

 

Hamidou précise :«  Les peuples d’Afrique ont vécu une terrible violence du fait colonial avec des morts, des exportations, des privations de liberté et surtout une négation profonde de la dignité humaine par la domination politique, économique et culturelle. Les chiffres de cette période sont éloquents d’horreur » (Hamidou Anne, Chronique in Le Monde, 17 février 2017 cité par Mehdi, E. et Guillaume, B., La colonisation, un crime contre l’humanité ? Dossier de presse ǀ Expression et communication, Année 2016-2017, P. 6. Consultable au site : http://liberte-pour-apprendre.fr).

 

La période des indépendances qui aurait dû signifier une libération, a vu partir les blancs européens qui, très vite, ont été remplacés par ce que Jean Paul Sartre appelle en 1961, dans la préface aux « Les damnés de la terre » de Fantz Fanon, les néocolonialistes, un terme repris par Kwamé Nkrumah en 1965 sous le groupe de mots : « les blancs à la peau noir ». La gestion de l’Afrique par les africains n’a pas été une aubaine pour certains pays dont le Burundi qui, au lendemain de l’indépendance de 1962, et plus précisément en 1965, a assisté à la fracture identitaire avec une logique de violences à tendances ethniques, premiers signaux d’un génocide dès les événements survenus à Muramvya, dans la localité de Busangana. (Fanon, F., Les damnés de la terre, Présence Africaine, 1961. Consultable sur le site : https://scholar.google.com).

 

En 1972, le Burundi a vécu un autre drame, qualifié par la CVR de « génocide contre les bahutu du Burundi ». Dans sa déclaration après le Rapport mi-parcours de cette commission en date du 20/12/2021, le Président du parlement du Burundi reconnaît cette qualification et affirme qu’il y a eu des crimes massifs, des crimes de guerre, des crimes de viols, des crimes de génocide. Mais pour plus d’acceptation de cette déclaration du génocide contre les Bahutu du Burundi en 1972-1973 dans le concert des nations, il faut aussi l’intervention de l’ONU. Ainsi, le Burundi doit être capable de dire le mal qui le ronge.

 

Selon l’Ambassadeur Ndayicariye, Président de la CVR : «  plus de 5.000 fosses communes ont été identifiées à l’issue des recherches préliminaires. Les faits sont têtus! Les victimes et les acteurs directs ou indirects des carnages connus au Burundi continuent encore de revivre les scènes du passé comme une mémoire douloureuse et d’aucuns se demandent s’il faut vraiment oublier le passé, du moins si on y parvient encore 

 

Les burundais ont toujours eu du mal à se défaire de leur passé douloureux. Déjà, la crise de 1993 consécutive à l’assassinat du premier président démocratiquement élu Melchior Ndadaye est à interpréter comme le retour des vieux démons de 1965, 1972, 1988 et d’autres crises (Birantamije, Gérard. Crise politique au Burundi: vers des forces de sécurité (re) politisées après une décennie de «success story». Conjonctures de l’Afrique centrale, 2018, p. 19-47).

 

Gérard Nduwayo et Olivier De Frouville rappellent que les dilemmes de la justice transitionnelle au Burundi ont toujours abouti aux conflits et massacres que le président Ntibantunganya qualifiera au lendemain du coup d’état sanglant du 21/10/1993 de « colère populaire » longtemps entretenue par les frustrations non résolues. Pour jouer aux prolongations, la crise de 2015, dite « crise du troisième mandat » s’inscrit à la maxime bien connue : « il n’y a rien de nouveau sous le soleil ». (Nduwayo, Gérard et De Frouville, Olivier. Les dilemmes de la justice transitionnelle au Burundi (1993-2006).https://medialibrary.uantwerpen.be).

 

1.2 Effet des crises sociopolitiques sur le vécu psychosocial des citoyens

Toute personne ayant vécu des crises en garde les blessures profondes qui peuvent influencer son mode de vie. Le témoignage de Cohen dans le livre de Segev est éloquent: « Quand j’avais six ans, je préparais mes chaussures près de mon lit, au cas où surgiraient les nazis en pleine nuit. J’aurai eu alors au moins des souliers contrairement à ma mère lors de la « marche de la mort » en sortant des camps de concentrations à la fin de la seconde guerre mondiale » (Segev, T., Simon Wiesenthal, l’homme qui refusait d’oublier, 2010, p.17)

 

Au Burundi, par souvenir des leurs qui ont été étouffés par les cravates qu’ils portaient lors des crises, bien des burundais n’arrivent plus à en porter lors des cérémonies officielles en signe de solidarité avec les victimes ou par peur de subir le même sort. Ceci est un signe de traumatisme collectif qui sans nul doute exige réflexion.

 

Par exemple, la crise de 1972 a particulièrement visé en premier lieu les intellectuels, les commerçants et les personnes aisés. Cela a entraîné une réticence aux études, aux commerces ou à une certaine aisance matérielle chez certains individus qui, par peur du regard de « l’autre » ont préféré de se contenter du peu. Il y en a qui ont sombré dans l’immobilisme, l’indécision, l’incivisme, l’alcoolisme ou carrément la dépression. (Ndarishikanye, Barnabé. La conscience historique des jeunes Burundais,1998, p. 135-171).

 

Lorsque l’angoisse de mort devient handicapante ou paralysante dans la vie de tous les jours, il est important de la prendre en considération et de tenter de ne pas la laisser envahir sa vie. Au quotidien, une personne qui a constamment peur de mourir pourra entretenir des relations très difficiles avec les autres. https://psy-92.net

Ce qui s’est vécu au Burundi, des hutus indexent les tutsis de génocidaires et les tutsis pointant du doigt les hutus. Cela entraîne une peur de l’autre qui potentiellement occasionne des guerres. Le cas du Rwanda est éloquent avec le record des morts en 3 mois, le nombre des Tutsis assassinés lors du génocide passe de quelque 500 000 à environ 800 000 (Prunier, 1998, p. 264), ce qui signifie l’élimination de 84 % de la population tutsi en 1994. le nombre des Tutsis assassinés lors du génocide passe de quelque 500 000 à environ 800 000 (Prunier, 1998, p. 264), ce qui signifie l’élimination de 84 % de la population tutsi en 1994.

 

Le nombre des Tutsis assassinés lors du génocide passe de quelque 500 000 à environ 800 000 (Prunier, 1998, p. 264), ce qui signifie l’élimination de 84 % de la population tutsi en 1994. soit entre 800000 et 1000000 pour une population de 5.936 millions d’ le nombre des Tutsis assassinés lors du génocide passe de quelque 500 000 à environ 800 000 (Prunier, 1998, p. 264), ce qui signifie l’élimination de 84 % de la population tutsi en 1994. habitants lors de la crise de 1994. https://www.cairn.info

 

Au Burundi, pays avec une histoire parallèle à celle du Rwanda, naguère formant ensemble le Ruanda-Urundi, les Nations Unies n’ont jamais été clair malgré les rapports bien conservés dans les tiroirs. Ce non positionnement fait que jusqu’ici, aucun génocidaire burundais ne s’est jamais senti inquiété par les poursuites judiciaires. Pourtant, dans les têtes des burundais, il y a rien à démontrer sur cette évidence. Dans tous les cas, les burundais qui ont vu la foudre s’abattre sur eux lors de ces crises attendent toujours la justice, une justice qui punit et réconcilie.

 

La mémoire blessée des burundais pourra se réparer lors d’une réconciliation digne de nom car, elle aura eu l’occasion d’exprimer sa douleur, une ouverture pour le rétablissement de son équilibre psychologique. Au-delà de ce contexte collectif qui s’appuie sur la méthodologie de la réconciliation, le CNPK a toujours agit et peut encore le faire dans le cadre individuel. Par expérience, il reçoit des personnes atteintes de troubles mentaux, sans ignorer aussi les victimes de traumatisme lié aux violences des différentes crises que le Burundi a connu.

 

En effet, selon l’enquête menée en 2019 dans 4 provinces du Burundi (Bujumbura Mairie, Gitega, Ngozi, Rumonge) par le Ministère de la Santé Publique et de lutte contre le SIDA, en étroite collaboration avec la Coopération Suisse, plus de 6 personnes sur 10 enquêtées semblaient manifester une difficulté psychologique et plus de 4 personnes sur 10 présentaient des troubles psychologiques dont 33,4% avaient connu des événements traumatisants. Ce tableau témoigne l’augmentation du nombre de patients au CNPK en fonction des moments de crise et de violence.

 

Pour cette structure : « Les individus dérangés psychologiquement, ne peuvent plus œuvrer pour le développement du pays. Ils se lamentent en longueur de journée, deviennent dépendants d’autres personnes qui, elles aussi, auraient besoin d’aide parce que elles-mêmes victimes. Ils pourraient plutôt servir à autre chose comme main d’œuvre ou fonctionnaires ».

 

C’est l’homme épanoui qui peut s’investir pour le développement de sa localité et du pays tout entier. Or l’absence de cet épanouissement est un coup dur aux initiatives, aux innovations, ce qui explique la pauvreté chronique de nos pays qui peinent à se nourrir, se vêtir et se loger.

 

Le manque à gagner, occasionné par les crises violentes : ne pas travailler, ne pas étudier, ne pas faire du commerce a des répercussions sur les populations pendant une période de plusieurs années ou même plusieurs décennies. « Le temps perdu ne revient jamais », dit l’adage français.

 

En principe, après des crises, il y a un besoin d’un plan de reconstruction, à l’image du « plan Marshall » qui n’a jamais été opérationnel au Burundi, pour permette aux citoyens de se réaliser après avoir perdu beaucoup durant la crise.

 

La non satisfaction de ces besoins fondamentaux ouvre vers un cercle vicieux des souffrances : on ne travaille pas parce qu’on souffre et on souffre parce qu’on ne travaille pas. La question du chômage s’explique ainsi par cette absence d’initiative due à un manque de stabilité psychologique. La terre et ce qu’elle contient sont à la disposition de l’homme sensé, il revient à lui de la transformer.

( voir la suite à partir de 1.3)

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  1.  

1.3 La mémoire des burundais, une mémoire blessée

Au Burundi, le patriotisme est né dès la fondation de la royauté par Ntare Rushatsi Cambarantama vers le XVème siècle. De par ses conquêtes, ce roi a inculqué à ses combattants le sentiment d’appartenance à un pays unique, et aux populations conquises leur appartenance à ce pays.

 

Dès lors, le murundi se différencie des autres peuples car son identité a toujours été singulière. Dans l’hymne national chanté depuis 1962, l’expression « warapfunywe ntiwapfuye » (Tu as été froissé mais resté intact, ils ont voulu t’anéantir mais tu n’es pas mort), les célèbres compositeurs de ce poème intitulé « Burundi bwacu » (notre Burundi) pratiquement intraduisible dans une autre langue soulignent bien, à travers ces strophes, ce caractère souverain du Burundais qui se sent toujours fier d’être un murundi.

 

Le Burundi, pris ainsi comme patrie englobe finalement à la fois le territoire et la communauté de personnes qui a vu se développer toutes les relations multiformes qui font l’unité de la communauté humaine des barundi, communauté à laquelle chacun a le sentiment d’appartenance. C’est un phénomène finalement psychologique qui exprime la relation affective entre le burundais et la communauté des barundi à laquelle il appartient. L’affirmation la plus nette de l’âme nationale du murundi peut ainsi aller jusqu’à la passion, surtout quand cette fierté nationale est affectée positivement ou négativement.

 

En l’occurrence, les violations des droits humains, les crimes contre l’humanité, les crimes de guerre et les massacres connus au Burundi constituent une honte nationale. Actuellement, l’estime ne se gagne plus de par son ethnie, encore qu’anthropologiquement parlant, il n’y a qu’une seule ethnie au Burundi, celle des Barundi. L’histoire a créé bien entendu les bahutu, batutsi et batwa, pourcentages à l’appui. Les historiens des origines des barundi développent des approches anthropologico-linguisiques, théologico-bibliques, politiques et même scientifiques pour faire du Burundi une rencontre de peuples différents.

 

Exploité négativement, ces théories ont profité aux fanatiques du « divide et impera » (diviser pour régner) des romains couramment considérés comme stratagème qui facilite l’exploitation d’un peuple désuni (http://familleafricaine.over-blog.com/2018/06/ethnisme-dans-la-region-des-grands-lacs-realite-ou-creation-humaine.html)

 

La cassure de la société burundaise est donc apparue entre ces trois composantes et plutôt que d’affirmer sa fierté d’appartenir au peuple Burundi, l’appartenance au groupe ethnique est devenue prioritaire. Misago rappelle que dans les proverbes Rundi, les Twa sont présentés comme étant typiquement avares, moins intelligents, assidus au travail, primitifs et gourmands.

 

Les Hutus de leur part sont des serviteurs, désobéissants, irrationnels, insolents et enfantins, tandis que les Tutsis apparaissent paresseux, possesseurs de vaches et cruels. Il cite alors Guichaoua pour affirmer que bien avant la période coloniale, ses stéréotypes ont été exploités par le pouvoir royal aussi bien au Burundi qu’au Rwanda à travers les structures de clientèle faisant du terme hutu le synonyme de serviteur et le tutsi de seigneur ((Misago, A. 2020. Essai d’éthique politique au Burundi).

 

Les prouesses, les hauts faits de nos aïeux forment notre fierté et par contre, les humiliations et les malheurs des nôtres sont vécus comme une blessure à faire soigner à tout prix. Les multiples scènes de violence qui n’ont laissé qu’une mémoire blessée du murundi méritent réparation. Un travail pour remuer dans ces plaies des Barundi en vue d’une guérison définitive vaut la peine, même si pour soigner chaque plaie, il y a toujours une souffrance qui s’en suit. La croix précède la gloire et non l’inverse.

 

Dans les accords d’Arusha de 2000, les burundais ont choisi l’amnistie provisoire pour les crimes du passé, tout en laissant en suspens la nécessité d’une amnistie définitive. La découverte de la vérité sur ce passé du Burundi constitue le socle de la réconciliation car, il n y a pas de justice sans vérité, et la justice sans pardon n’en est pas une.

  1. Blessures psychologiques comme frein au développement humain intégral

Le développement ne concerne pas seulement l’aspect économique. Un vrai développement humain intégral est un processus sur le long terme, dynamique, et basé sur la dignité humaine et les relations justes, c’est-à-dire les relations de chaque personne avec Dieu, avec soi, avec les autres et toute la création.(Paul VI, Populorum progressio 1967, p. 20)

 

Dans les situations de conflit, de guerre ou de violence, les initiatives allant dans le sens de promouvoir le développement se retrouvent hypothéquées. Les préoccupations de recherche de paix détournent toutes les attentions œuvrant pour le développement. La paix n’est pas l’absence de guerre seulement, c’est aussi un comportement, disait Félix Houphouët Boigny.

 

Cette vision qui établit le lien entre la paix, avec un grand P, et les comportements est classée sous le thème de l’éducation des enfants, puisque l’éducation à la paix se doit de travailler les comportements et les attitudes, y compris en situations de violences. (Félix Houphouët Boigny cité par Tindy-Poaty, Juste-Joris. La culture de la paix: une inspiration africaine. La culture de la paix, 2020, p. 1-287).

 

Dans les Objectifs pour le Développement Durable ODD en sigle, le seizième objectif vise la justice et la paix dans tous les Etats membres des Nations Unies qui ont adhéré à cet agenda 2015-2030 et ayant des institutions efficaces.

 

Pour cet objectif ; la paix, la stabilité, les droits humains et la gouvernance efficace fondée sur un Etat de droit constituent des vecteurs essentiels pour le développement durable. Il considère que les niveaux élevés de violence armée et d'insécurité ont un effet destructeur sur le développement du pays en entravant la croissance économique et en engendrant souvent des souffrances durables au sein de la population qui peuvent persister pendant des générations.

 

Avec les années 1990, pratiquement sur le continent africain, la fin des systèmes communistes et l’introduction de la bonne gouvernance fondée sur les valeurs démocratiques ont marqué un grand tournant historique. Ce changement a bouleversé les systèmes politiques et les comportements longuement implantés. Le Burundi fut l'un des pays concernés par ces changements.

 

Il est entré timidement dans la démocratisation de ses institutions car les tendances ethniques ont infiltré les compétions démocratiques. Pour adapter sa politique au monde d’alors, le sang a dû couler, laissant encore de nouvelles plaies à ce peuple qui n’était pas encore guéri des traces de la guerre froide et de l’après indépendance marquées par une redéfinition de l’identité authentique de l’homme africain. Il a fallu refonder les piliers de la paix pour asseoir un développement durable, un développement intégral de l’homme qui exige comme préalable la guérison de toutes les mémoires blessées du Burundi.

 

2. 1 Lespiliers de la paix et du développement 

  1. La paix est œuvre de volonté. La culture de la paix étant la vocation de l’UNESCO, cette dernière propose d’élever les défenses de la paix dans l’esprit des hommes à travers huit piliers qui sont : l’éducation, le développement économique, le respect de tous les êtres humains, l’égalité entre les femmes et les hommes, la démocratie, la tolérance, la liberté et enfin la sécurité.

Pour le Pape Jean XXIII dans Pacem in terris 1963, P.1, il n'y a pas de paix sans vérité, sans justice, sans amour et sans liberté. Il y a donc selon lui quatre piliers de la paix. Finalement, la paix est un concept qui désigne un état de calme ou de tranquillité favorable au développement. Elle est l’absence de perturbation, de trouble, de guerre et de conflit.

 

Parmi les raisons évoquées pour justifier la guerre au Burundi, les négociateurs d’Arusha ont identifié un mensonge qui se cache derrière certaines ambitions politiques avec un soubassement des clivages ethniques. Autrement dit, le partage du gâteau de l’état et les revendications identitaires sont responsables des carnages dans la région des Grands Lacs en général et au Burundi en particulier.

 

Joseph Lanza Del Vasto dit : «je suis la seule chose que je puisse connaître, en même temps, du dedans et du dehors. Tout le reste je le connais du dehors, les gens, les choses, les idées. La vérité est alors chose simple, une et universelle, lien du dedans et du dehors » (Lanza, D. V. Les quatre piliers de la paix.2021, p.202).

 

Le travail de mémoire pour asseoir la paix, l’entente et l’harmonie s’avère important dans ce processeur de développement du Burundi. Le rétablissement de l’harmonie intérieure et extérieure est une condition pour l’instauration de la paix. La vérité reste au sens psychologique du terme, le seul remède à proposer à l'homme contrarié par les intrigues de la vie. Pour l'aider à affronter le monde qu'il vit¸ chaque homme doit se connaître et connaître ce qui l'entoure sans faux fuyant.

 

  1. 2.2 De la paix au développement humain intégral

 ​​​​​​​Qui dit paix évoque la condition incontournable pour asseoir un développement durable. Celui-ci ne s’arrête pas seulement sur la construction des infrastructures économiques, elle s’intéresse aussi de la construction de l’âme humaine. En parlant de développement humain intégral, le Pape Paul VI évoque dans Populorum progressio (1967) un développement de « tout homme et de tout l’homme ». Ce type de développement ne se réduit pas uniquement à la croissance économique mais aussi et surtout, il considère l’homme dans toutes ses dimensions : morales, sociales, culturelles, économiques, religieuses etc.

 

La souffrance psychologique étant cause de dysfonctionnement de l’intelligence humaine, la mémoire blessée par les événements de la vie s’accompagne de l’inactivité en matière de développement. L’histoire du Burundi témoigne des séquelles des crises ayant fait impact sur la vie économique du pays ; voitures de transports calcinées, boutiques incendiées, champs brûlés avec comme corollaire des survivants en souffrance psychologique et incapables de produire. Prendre en compte le travail de mémoire est un atout considérable pour asseoir un développement durable.

 

La paix est la condition sine qua none pour tout investissement. Parmi les exigences de l’Union Européenne en matière de Bonne Gouvernance, les conditions de sécurité viennent en première ligne. Or la sécurité physique commence d’abord par la sécurité dans l’âme. Il faut « un esprit saint, dans un corps sain », dit-on. Avec une mémoire blessée, un esprit pensif non tranquille, les inquiétudes ne permettent pas une concentration pour l’élaboration d’un projet valide et viable.

 

Pour son envol économique, le Burundi a besoin de cette tranquillité, de cet équilibre des esprits afin de mettre en œuvre correctement son Plan National de Développement PND (2018-2027). Celui-ci, pensé en vue de concrétiser les Objectifs pour le Développement Durable ODD, doit être une occasion pour tout citoyen Burundais de se sentir utile à son pays parce qu’il apporte une valeur ajoutée. « Le travail ennoblit l’homme », dit l’adage français, et c’est justement ce travail exercé en toute quiétude qui cheminera le Burundais vers un développement humain intégral et durable.

 

  1. 2.3 La guérison de la mémoire collective pour l’envol vers le développement

Les mémoires guident les activités humaines. Une mémoire collective est une mémoire de plus d’une personne. Bonne ou mauvaise, elle influe sur les habitudes de la communauté. Lorsqu’elle est blessée, elle est mauvaise, malade. Dans ces conditions, elle a besoin d’être soignée pour éviter les confusions. Le bien et le mal ne se confondent jamais. Le traitement des mémoires blessées passe par l’écoute qui permet la découverte de la vérité ; une vérité qui guérit.

 

Le peuple burundais laisse apparaître un besoin d’exprimer ses douleurs, raconter ses malheurs, trouver à qui se confier. L’absence d’un cadre approprié à ce travail marque une situation d’injustice avec comme corollaire l’ouverture à la vindicte populaire, l’impunité et autres délit. Lorsque déjà plongé dans la culture de la mort, la communauté n’appréhende plus le mal comme il se doit. Le mal ne se laisse plus apprécier comme mauvais, on s’y habitue. La responsabilité pénale étant individuelle, ce n’est pas parce que le tueur est acclamé qu’il cesse d’être criminel.

 

L’intention prêtée à Nicolas Machiavel pour dire que la fin justifie les moyens n’est pas une fin en soi. La valeur d’un acte est plutôt justifiée non seulement dans sa finalité, mais aussi dans les moyens utilisés pour l’atteindre. La mémoire collective, lorsqu’elle est floue, malade, elle nécessite des actions thérapeutiques, entre autre l’écoute empathique pour laisser la vérité éclore.

 

Guérir une communauté lui donne des armes pour son développement. Pour le cas du Burundi, aucun pouvoir, y compris les instances internationales n’a jusqu’ici proposé un modèle convainquant, non partisan, pour vider la question ethnique. L’alchimie des quotas ethniques, bien visible dans les constitutions de 2005 et de 2018, même si elle a été maigre dans sa mise sur pied est la seule pouvant donner espoir d’un développement intégral.

 

Si aujourd’hui on peut targuer que la CVR a pu établir les bases du développement en mettant les faits en exergue au grand jour, il reste cependant à se rassure que ce développement est possible dans le cas où les victimes ne se sont pas exprimés dans leur ensemble et de façon représentative. En procédant à la qualification des crimes commis au Burundi en 1972 et 1973 de génocide devant les deux chambres du parlement réunis le 20 décembre 2021, le parlement était invité à le reconnaître et demander à l’État du Burundi de mettre en place une loi y relative. C’est une étape dans la guérison des mémoires des Burundais. La loi qui pénalise les génocidaires et les négationnistes, une fois sur place est portée à la connaissance du conseil de sécurité des Nations Unies qui facilite sa mise en application.

 

Cette qualification des crimes de génocide par la CVR permet justement de faire bouger les pouvoirs et les instances internationales habileté et les conduire à se prononcer en faveur du développement. Les accords d’Arusha et les instances onusiennes devraient jouer leur rôle de parrain et non de parent. A la limite, la dénomination des crimes ne servirait à rien une fois que les mesures d’accompagnement comme les sanctions ou le suivi psychologique venaient de manquer ou de s’avérer incohérentes https://medialibrary.uantwerpen.be

 

La connaissance du mal burundais permet le choix de son remède pour l’envol économique et embrayer sur son développement. La mémoire collective, lorsqu’elle est souffrante ne peut penser le développement. Le peuple burundais a besoin d’exposer son problème. Il ne s’agit pas ici d’exposer pour s’exposer, mais d’exposer pour guérir. La mémoire collective du murundi comme celle de toute personne humaine, lorsqu’elle possède des nuages, crée des troubles chez des générations et leurs descendants. La lumière de la vérité dans la communauté burundaise a besoin de s’allumer, et c’est cette lumière qui placera le pays sur les rails du développement.

 

  1. Apport de la vérité dans le processus de réconciliation au Burundi.

La vérité est le moteur de la justice. Or, la justice a toujours été au centre des débats dans toutes les nations. Intimement liée à la loi, la justice se distance de l’équité et de la droiture. Avant même l’arrivée de l’écriture, l’africain connaissait la loi. Celle-ci apparaissait sous forme d’interdits et de valeurs à respecter (Zarka, Yves-Charles. Leibniz et le droit subjectif. Revue de Métaphysique et de Morale, 1995, p. 83-94).

 

Depuis l’introduction des codes et lois à la forme occidentale en Afrique, des manipulations touchant les droits et les devoirs ont fait leur apparition. Le Burundi s’est retrouvé dans une situation de justice injuste, de déni de la justice, et au bout du tunnel, les politiciens burundais réunis à Arusha ont entrepris en 2000, de se servir de la CVR pour délier tous ce qui a été lié par les crises sanglantes répétitives. 

 

En effet, la justice traditionnelle, naguère pilier de la justice burundaise, s’est heurtée au mur parce qu’elle a perdu la confiance petit à petit lors des grandes crises. Elle n’a pas pu s’interposer convenablement et trouver des solutions en temps utiles. Elle s’est ainsi vidée de sa substance et de son existence, dans le sens où ceux qui la représentaient, précisément ceux qui représentaient l’institution d’ubushingantahe étaient aussi très actifs dans ces malheurs du pays. (Manirakiza, Zénon. Modes traditionnels de règlement des conflits: L'institution d'Ubushingantahe.in « Au Coeur de l'Afrique ». 2002).

A ces défis qu’a connu la justice traditionnelle qui n’ont pas épargné la justice positive, la CVR, structure dépendant de la présidence de la République, fut alors une nouvelle option qui ne priorise plus les sanctions mais plutôt la réconciliation. Celle-ci émerge d’une justice transitionnelle qui va jusqu’aux réparations appuyées par des réformes institutionnelles. La réconciliation ne signifie donc pas le pardon. Notons par ailleurs que la justice traditionnelle au Burundi privilégiait au premier chef la réconciliation.

 

  1. 3.1 Pour une promotion de la vie dans la loi burundaise

Dans les traditions africaines, la notion de loi a toujours existé sous forme d’interdit qui touchait tous les secteurs de la vie. Il y avait des interdictions liées à la famille, au clan, à la communauté ou à la vie tout court. Pour être heureux en Afrique et au Burundi, il faut simplement obéir aux interdits. Dans l’ensemble, au Burundi, ses derniers tournent autour du respect de la vie.

 

Cet attachement à la vie s’observe même dans les rituels du burundais : les rites de passage tout comme les rites d’intégration. De la naissance à la mort, les cérémonials choisis au Burundi valorisent la vie. Le port des grigris, l’existence des noms spécifiques de croissance (amazina y’ikuzwe) et bien d’autres phénomènes manifestent ce combat acharné du burundais contre sa mort et/ou la mort des siens.

 

Les croyances africaines et même burundaises en une vie après la mort expliquent pourquoi on prend soin du mort jusqu’à lui faire porter des habits chers et des bijoux dans sa tombe. Dans le Burundi ancien, la pratique de « guterekera » qui consistait à déposer la nourriture près de la tombe du défunt cadre bien avec le poème de Birago Diop, lorsqu’il dit que ceux qui sont morts ne sont jamais partis. Pour lui, 

 

« … Ceux qui sont morts ne sont jamais partis :

Ils sont dans l’Ombre qui s’éclaire

Et dans l’ombre qui s’épaissit.

Les Morts ne sont pas sous la Terre :

Ils sont dans l’Arbre qui frémit,

Ils sont dans le Bois qui gémit,

Ils sont dans l’Eau qui coule,

Ils sont dans l’Eau qui dort,

Ils sont dans la Case, ils sont dans la Foule :

Les Morts ne sont pas morts».

(Diop, Birago. Le souffle des ancêtres. Leurres et lueurs, 1960. http://cid-ds.org

 

 

Une telle croyance se veut de ne pas prendre à la légère les rituels de levée de deuil partielle et définitive, mais aussi et surtout de pleurer et d’enterrer dignement ses morts. La gestion du deuil est cruciale dans le sentiment de la justice que chaque homme sent face à ce qui le frustre tel la mort. Au-dessus de la vie, de tout, le Burundais plaçait « Imana », juge suprême qui voit tout et qui sait tout. L’histoire burundaise reconnaîtra le vaillant « Ngoma ya Sacega »fondateur des tribunaux de base burundais dit « sentare ». La hiérarchie des pouvoirs au Burundi passait d’Imana au roi, et continuait decrescendo du chef de la région, du clan jusqu’au chef de la famille. En la matière ; le peuple burundais se rapproche du peuple juif dans sa structure patriarcal où le chef de la famille est l’homme. Il fixe la loi, et dans sa famille la hiérarchie s’organise de l’aîné au benjamin tout en priorisant le sexe masculin. (Bourgeois, M. L. Études sur le deuil. Méthodes qualitatives et méthodes quantitatives. In : Annales Médico-psychologiques, revue psychiatrique. Elsevier Masson, 2006. p. 278-291)

 

  1. 3.2 Pour une justice au service de la vie

Si la loi familiale traditionnelle a pu résister dans le temps au Burundi, les autres lois ont évolué. Se distingue, par cette évolution, ce qui est juste de ce qui est droit car, finalement le juge actuel c’est le diplômé en droit et non pas nécessairement l’initié à la justice. C’est ainsi qu’on peut évoquer une justice qui n’est pas juste par exemple. La cour collinaire dit «intahe yo kumugina» a dans ce contexte subi des modifications avec l’introduction du système démocratique. Ceux qui doivent trancher les litiges sont désormais choisis par élection démocratique. Ils ne sont plus investis comme avant selon le rituel initiatique, mais on les traite dorénavant en « mushingantahe ». (Kohlhagen, Dominik. L’activité judiciaire au Burundi: données quantitatives’. L’Afrique des grands lacs: annuaire 2010–2011, 2011, p. 65-84).

 

Au vue des événements de négation de la vie qui ont marqué le Burundi, il est tout à fait normal que les bashingantahe ont été débordés durant ces moments de crise, infiltrés par des criminels. Le tissu social s’est disloqué et la justice a perdu sa saveur, celle de servir la vie. La séparation des pouvoirs a été mise à l'épreuve au Burundi, surtout avec l’introduction des systèmes militaires dans la gestion de la nation. Le pays s’est retrouvé dans une guerre civile ; une guerre fratricide avec des juges à majorité issues d’une même province et d’une seule ethnie. http://oag.bi

 

En vue de servir la vie comme il se doit, la justice burundaise a été réformée, réaménagée pour s’ouvrir à toutes les couches de la société. Il n’y a pas de criminel par naissance, ou d’ethnie mauvais, incapable d’être juste. Chaque composante de la communauté burundais devrait se retrouver dans cette institution car, finalement, le mal de vient pas d’une ethnie.

 

En disant « Ntihica ubwoko, hica ubutegetsi bubi » qui se traduit par « ce n’est pas l’ethnie qui tue mais la mauvaise gouvernance », ce message visible sur le mémorial des héros de la lutte pour la paix et la démocratie à Mpanda, Province Bubanza illustre l’idée qui se cache derrière l’Accord de cessez-le-feu du 02 décembre 2002, la déclaration conjointe de cessation définitive des hostilités du 27 janvier 2003 et le protocole de Pretoria du 08 octobre 2003 sur le partage des pouvoirs politiques, de défense et de sécurité au Burundi, du protocole sur l’Accord Technique des forces. Ces Accords et Protocoles ont été conclus entre « les Parties » en vue de la réalisation d’une paix, d’une sécurité et d’une stabilité durable au Burundi.

 

Selon le Plan Prioritaire pour la Consolidation de la paix au Burundi, dans sa note stratégique de février 2007 P.13, il est rappelé que : «l’impunité est une des causes fondamentales du conflit burundais depuis l’indépendance du pays». De plus, ajoute-il, «l’absence de mécanismes qui permettent à la population de faire un travail de mémoire sur les différentes vagues de violences qui ont endeuillé le Burundi fait obstacle à la réconciliation nationale».

 

Les expériences d’autres pays africains tels l’Afrique du Sud, l’Angola, le Rwanda et d’autres pays non africains tels le Chili, le Cambodge peuvent servir de repères dans ce travail de titan qui consiste à affronter la réalité douloureuse en face. Creuser les fosses communes où les ossements humains présentent de scènes d’atrocité n’est pas tâche facile. Dans son discours, Ndayicariye, Président de la CVR, rappelle au chapitre des défis qu'ils rencontrent dans l'exercice de leur mission, entre autres, la possibilité que l’équipe des commissaires de la CVR soit traumatisé. Ceci pour dire que : « les agents de la CVR découvrent l’intensité des violences dans chaque fosse et en sortent affectés. Leurs découvertes affectent aussi les passants qui ignoraient ce qui est arrivé et les survivants en revivent comme si c’était une deuxième fois ».

 

Le travail de mémoire mérite une attention particulière pour ne pas empirer une situation qui était déjà précaire. Parfois, les hommes politiques passent outre les souffrances des survivants pour faire du travail de mémoire de la CVR une source d’inspiration pour leurs débats. La grande question reste : Faut-il tout dire ou se taire à jamais ?​​​​​​​

Dans les témoignages recueillis auprès des orphelins ou rescapés, les morts qui n’ont pas été enterrés dignement sont source de leurs souffrances psychologiques. Il n’est pas aussi rare d’entendre un ancien bourreau tourmenté par une mort qu’il a occasionné : « Le sang d’un innocent réclame toujours vengeance », dit la Bible (Gn4, 9). Toutefois, cette même Bible prêche, dans le Nouveau Testament que « la vengeance appartient à Dieu » (Rm 12 : 19-21). C’est la raison d’agir, en tant qu’humain dans le sens de la réconciliation. Cette dernière est possible, elle est même un devoir humain.

  1. Le chiffre 1 se retrouve par erreur dans numérotation, veuillez l'ignorer)

3.3 Pour une justice qui réconcilie

La réconciliation n’est pas humaine, c’est un mystère. Elle n’est pas une affaire des juristes ou des psychologues, c’est un don de Dieu, au même titre que le pardon. Au niveau humain, on peut donner et recevoir. Mais pour pardonner, cela demande un effort surhumain, une grâce qui permet de donner par, de se dépasser et d’aller au-delà du don. Pour la réussir, il faut sortir de soi et regarder l’autre en face comme une transcendance car « L’homme passe infiniment l’homme ». (Knoll, Alfons. " L'homme passe infiniment l'homme": Blaise Pascal (1623-1662) und das" humanum" in der Fundamental theologie. Herder, 2010).

 

En effet, l’homme ne se limite pas à sa partie corporelle, il est plus que ça, un esprit. Emmanuel Levinas exploite la relation à autrui à travers le visage. Il fonde son éthique en disant: «  la relation à autrui passe par le commandement que signifie le visage. Autrui n'est pas un phénomène du monde mais un appel, il est transcendance ». Le visage de l'autre, dit-il, montre cette transcendance qui est Dieu. Autrement dit¸ le visage de l'autre est une invitation à l'amour puisque Dieu est amour, dira aussi Benoit XVI. Emmanuel Mounier, comme pour renchérir dit : « je n’existe que dans la mesure où j’existe pour autrui » car «être c’est aimer ».

 

Autrement dit, selon ce même auteur, le mépris de l’autre c’est la trahison de notre existence. Pour Levinas, le « shalom » expression hébreux pour dire la paix, pourra être réalité quand chacun sera messie de chacun. Ainsi au lieu de sacrifier l'autre, nous sommes plutôt invités nous-mêmes à nous sacrifier pour lui. (Levinas, Emmanuel. Le visage. Éthique et Infini, 1982, p. 78-87)

 

La considération de l’autre en face de toi doit tenir compte de ses forces et ses faiblesses, aussi bien de ses réussites que de ses échecs. Lorsqu’il en arrive à devenir assassin, criminel, génocidaire, il faudra toujours savoir distinguer cet homme qui se trouve devant toi et le différencier du mal qui l'habite, qui se trouve en lui.

 

Mahatma Gandhi, face aux colonisateurs européens (anglais) disait dans ce sens: « La non-coopération compète veut une organisation complète. Le désordre vient de la colère. Il faut une absence totale de violence. Toute violence serait un recul pour la cause et un gaspillage inutile de vies innocentes. Avant tout, que l’ordre soit observé! » Le Burundi a compris cette nuance entre le mal et la personne en abrogeant la peine de mort dans son code pénal révisé de 2009 car, jamais, sous aucun prétexte, le meurtre de l’autre peut avoir une justification.

 

La justice positive est utile lorsqu’elle respecte les dispositions naturelles. Saint Thomas d’Aquin dit justement dans ce sens que la justice juste est la justice qui vise le Bien, c’est-à-dire que la justice dotée de qualités et valeurs humaines est à retrouver dans les actes excellents. (Thomas d’Aquin, cité par Andrea Teixeira Dos Reis (2015), La justice humaine chez Thomas d’Aquin)

 

C’est de cette justice dont le Burundi a besoin pour sortir du cercle vicieux de violence dans lequel il est tombé depuis l’assassinat du Prince Louis Rwagasore le 13/10/1961. Un juge qui n’a pas les valeurs morales ou les vertus lira le droit, juste pour lire les articles, mais le monde a plus besoin de juge avec un cœur et une conscience qui l’orientent vers le Bien, en vue de le choisir et le réaliser.

 

C’est cette justice juste qui sera capable de réconcilier les burundais afin de retrouver la corde qui les liait, la célèbre «umusurusuru» dont évoquait le chef Nduwumwe Louis, fils du roi du Burundi Mwezi Gisabo, lorsqu’il s’indignait contre les chicaneries entre les burundais pouvant entraîner la dislocation de l’unité du Burundi.

 

Conclusion

Les crises sociopolitiques que le Burundi a connues constituent un drame qui a affecté les mémoires des populations qui y vivent. Les traumatismes vécus ont entrainé des problèmes identitaires avec des troubles psychologiques qui les bloquent dans leur élan vers le développement.

 

Pour sortir de cette situation, un travail de mémoire se montre comme préalable. Le passé ne devrait pas constituer un frein au développement, mais plutôt un tremplin à tout épanouissement social. La place et le rôle des psychologues devraient se sentir dans la communauté burundaise, afin d’aider à retrouver conscience de soi et être fier de son identité.

 

La vérité, pilier incontournable de la justice pour avoir la paix devrait rester au centre de tout travail de mémoire. Celui-ci se fonde sur la liberté. Le burundais veut cette liberté en se retrouvant dans son histoire. Il a besoin d’être lui-même, de s’accepter dans ses forces et faiblesses car, après tout, comme le rappelle Simon Wiesenthal, « on n’estime sa valeur qu’au moment où on la perd. La liberté n’est point un don du ciel, il faut se battre pour elle chaque jour de son existence » ( Segev, T., Op.Cit. p.480)

 

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