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  FAMILLE AFRICAINE

La problématique de la gestion des terres au Burundi

20 Juillet 2009, 11:58am

Publié par Pierre

Au cours de sa vie, toute personne est appelée à fonder un foyer. Dans cet article, nous ne pensons pas bien sûr à ceux qui choisissent le célibat à vie pour des causes religieuses, culturelles ou autres. Nous sommes en face de cet homme qui part à la conquête d’un espace vital, d’une aire pour respirer ou tout simplement de la terre.

Dès que cet homme choisit ou se fixe un endroit, dès qu’il aime ce lieu il y met un signe : un piquet, un arbre ou tout simplement un trépied (amashiga). L’endroit marqué est sa conquête, c’est son territoire, c’est sa terre, c’est chez lui.

Pour marquer sa présence, il entoure le trépied par une maisonnée. Traditionnellement, les trois pierres qui forment le trépied sont au milieu de la maison. Et entre les trois pierres on a le foyer (iziko). L’homme qui a construit sa maison fonde ainsi son foyer (umuryango-inzu). Il est par conséquent responsable de cette terre et de cette aire qu’il a conquise. De par cette responsabilité, il est toujours prêt  à défendre sa terre, à protéger sa maison et tout ce qui s’y trouve.

La maison fait la fierté de l’homme. Elle lui procure son adresse et son autorité : il dit souvent pour se démarquer des autres, je suis chez moi. Il se stabilise en y amenant une femme, la gardienne du foyer. Celle-ci vient seulement pour entretenir et donner la vie dans le foyer que l’homme a construit. Elle prépare la nourriture en se servant du feu et de l’eau, deux éléments qui symbolisent la chaleur familiale et la vie qu’elle incarne.

Néanmoins, cette architecture de la famille ne s’est pas maintenue avec le temps. L’occident nous a imposé des théories en faveur de l’égalité des sexes, une bonne chose en soi. Certes, si cela entraine une négation délibérée du rôle de la femme par rapport à celui de l’homme dans la famille, voilà le bas qui blesse. La femme peut-elle faire tout ce que l’homme fait ? Ou l’homme, peut-il faire tout ce que la femme fait ?

Reconnaissons tout de même qu’en ses périodes de turbulences où le trépied tend à être remplacé par les cuisinières, où la construction d’une maison ne se fait plus avant le mariage et d’ailleurs parfois n’étant plus l’exclusivité de l’époux, une revisitassions de la politique familiale s’impose.

Certains pays, africains notamment, ont connu des périodes de crise occasionnant des migrations massifs des populations. Ces voyages ont aussi déplacé les valeurs familiales, allant jusqu’à provoquer la dislocation du tissus familial. La terre ne donne plus la fierté à l’homme. C’est le cas du Burundi où le facteur guerre a occasionné la désintégration totale de la famille. Avec la guerre, l’homme n’avait plus chez soi ; il était devenu un être itinérant.

Depuis 1965, des Burundais ont été contraint de quitter leurs dormeurs, leur chez-eux pour aller chercher asile ailleurs. Leur départ a ouvert un nouveau mouvement, celui de l’occupation des terres vacantes. Les manières de s’installer dans ses terres supposées inoccupées mais réellement occupées car ayant appartenues à d’autres varient selon les circonstances.

L’analyse hâtive des circonstances dans lesquelles le terrain donné a été occupé par une tierce personne soulève ces derniers temps des incompréhensions entre les familles des rapatriés burundais (impunzi zihunguka) et les résidents actuels (abasangwa).

 De plus, les réclamations des familles batwa qui voudraient enfin se sédentariser trouve son opportunité d’être posé. Le problème des terres au Burundi a aussi éveillé des suspicions envers la catégorie de personnes dites abamanuka, un phénomène similaire à celui de l’ivoirité ou de  la congolité.

Le contexte démocratique qui fait un point d’honneur aux résidents locaux semble inhiber les droits des immigrants en ces jours où les voix électorales se comptent à la fourchette. Pourtant, il n’est pas mauvais de changer de lieu d’habitation. Les américains en savent quelques choses car, ils sont les mieux coté parmi les peuples sans résidence fixe. Les élections qui ont porté BARAK H OBAMA au pouvoir en disent grand-chose. Si cette candidature avait été posée en Afrique, je ne vois pas un président blanc dans un contient noir. Un politicien burundais faisait d’ailleurs remarquer que dans ce contexte de litiges fonciers « notre terre ne devrait plus être situable géographiquement; nous devrions voyager avec elle sur nos têtes ». Il voulait en effet dire qu’actuellement notre terre c’est notre diplôme.

Sans entrer dans les hypothèses historiques qui présentent les Batwa comme premiers occupants du Burundi, nous ne voulons pas revenir sur le lien mythique entre l’arrivé des Hutu au Burundi et les migrations bantu dont les origines se situeraient autour du Lacs Victoria. Que les Tutsi soient arrivés au Burundi en troisième position depuis l’Ethiopie ou autour du fleuve Nil, cela ne constitue pas le problème actuel.

Le problème d’occupation des terres du Burundi par les burundais au 20ème siècle se présente à 4 niveau :

Ceux qui ont eu des terres naguère inoccupées

Ceux qui ont acheté des terres anciennement occupées

Ceux qui ont reçus de l’état des terres anciennement occupées

Ceux qui ont pris des terres désertés par leurs propriétaires.

Il y a donc ceux qui ont acheté des terres, ceux qui ont reçu des terres et ceux qui se sont approprié des terres appartenant aux autres, et ceci par force (kunyaga).

La question qui se pose alors à la commission « terre et autres biens » est de savoir quelle attitude prendre devant une personne qui occupe une maison d’un autre depuis une trentaine d’année, celui-ci étant de retour chez lui ? Sur certains documents donné par le conseil de guerre de la 1ère république on peut lire : iritongo r’umumenja…rishikirijwe… Quel titre de propriété !!!

Nous n’allons peut-être pas revivre l’indépendance de la Zimbabwe que Mugabe a semblé ressusciter pour des enjeux électorales, mais reconnaissons tout de même que certaines provinces méritent un suivi particulier. Je pense naturellement aux provinces frontaliers avec la Tanzanie et à la région de la plaine de l’imbo où la course vers les palmiers ne s’est pas faite dans la parfaite honnêteté.

Cette question liée aux migrations des burundais étend, à y voir de près, ses tentacules dans le social et le sécuritaire, ce qui interpelle donc l’intervention de tous le gouvernement voire même des pays amis. Comme le rappelait les participants à la réunion des ressortissants de Makamba  sur la même question, le problème des terres au Burundi n’est pas un problème d’abasangwa, abahunguka, abamanuka…encore moins, il ne faut pas confondre abasangwa d’abatutsi et abahunguka d’abahutu. Le problème des terres au Burundi n’est pas ethnique, il est social.

L’analyse de l’évolution de la situation ces derniers temps montre que beaucoup de délits se commettent entre les membres d’une même famille pour cause de conflit foncier. Et cette situation est perceptible dans toutes les provinces du Burundi

 De la gestion des terres, on en arrive à la gestion des conflits. La question est donc d’une grande ampleur et dépasse l’affaire des commissions. Elle est d’une ampleur nationale voire  internationale.

Les burundais de la diaspora devraient donc être impliqué et apporter leur contributions car après tout, ils restent des citoyens burundais.

 Tout comme on ne peut contraindre quelqu’un à résider sur un territoire donné, de même un burundais qui quitte le sol burundais ne devrait pas perdre ses droits. Il est plutôt appelé à participer dans la construction et l’édification du tissu social. Il devrait investir chez lui, aimer chez lui et protéger chez lui. Son identité le lui confère.

Investir là ou ça promet est normal ; mais  oublier chez soi est anormal

  Théon TUYISABE

Prof. UGL/Bujumbura-Burundi

familleafricaine@yahoo.fr,

 

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